SEVENFRIDAY | Typiquement zurichois

La montre comme attitude


Peut-on vendre des montres avec des mouvements japonais à plus de 1500 francs? Le Suisse Daniel Niederer le fait. Avec succès. Et de manière systématique.

Pierre-André Schmitt

Daniel Niederer, dirigeant et créateur de la marque Sevenfriday, a le sens de la provocation. Il y a une phrase qu’il répète ainsi souvent et fort avec un plaisir non dissimulé: «Nous ne sommes pas une marque de montres.»

La vérité est que Sevenfriday produit des montres, même beaucoup de montres. Il est vrai aussi que Sevenfriday n’a rien à voir avec les marques horlogères actuelles, vraiment rien du tout. Au lieu de tout miser sur le Swissness, elle est tout en coolness, du moins ce que la clientèle prend pour de la coolness. Et le design industriel a remplacé la tradition: les montres ont un aspect un peu mastoc, qui n'est pas sans rappeler les postes de télévision pop kitsch des années 1960.

A l’intérieur, ce n’est pas un mouvement suisse qui donne le tempo, mais un calibre Miyota japonais, bien déclaré, sans vergogne, sur le dos de la boîte: «Engine from Japan». Et même: «Construction from HK & China». Une troisième inscription toutefois fait mention, sans le déclarer ouvertement, à la Suisse, plus particulièrement à Zurich: «Concept & Design from our Headquarter».

Le modèle SF-P1B/01, l’un des best-sellers, est équipé d’un Miyota 82S7. Le fabricant japonais assure une précision relative de -20 à +40 secondes par jour – un authentique horloger suisse s’en arracherait les cheveux…

Le succès court pourtant sans perdre haleine et Sevenfriday affiche un historique assez flamboyant: 25'000 montres produites par an – sur un prix public moyen de 1500 francs. L’entreprise compte 12 collaborateurs à Zurich, 35 au total.

Témoignage d’un directeur d’une marque établie en Suisse qui a récemment fait l’expérience de cette machine bien huilée. Il est à New York, chez un détaillant partenaire. Il s’enquiert de la marche de ses affaires et s’entend poliment répondre que tout va bien. Et le détaillant de poursuivre après une courte pause: «Mais je vais vous montrer quelque chose qui fonctionne vraiment bien…» Puis il pose une SF-M2/02 sur la table, le deuxième best-seller de Sevenfriday.

Daniel Niederer est confortablement assis dans un fauteuil du Pop-up Café qu’il a ouvert sur la très zurichoise Bahnhofstrasse. Nommé en bon allemand nouvelle tendance «Space», un lieu qui sert aussi régulièrement de salle de concert. «Nous ne sommes pas une marque de montres, répète une fois encore Niederer. Nous sommes avant tout une atmosphère.» Et cette atmosphère, cette sensation, est déjà bien inscrite dans le nom de la marque.

L’explication est connue: pour beaucoup, le vendredi est le meilleur jour de la semaine. L’idée était de le prolonger à la semaine entière. Une idée qui a été élaborée avec les designers de Studio Divine, à Bienne, qui ont également dessiné les montres.

Il n’y aura jamais de grande complication mécanique chez Sevenfriday. Comme le déclare l’entrepreneur de 1970 Daniel Niederer: «Nous sommes dans la complication visuelle.» A la base, il a étudié le droit, mais il a rapidement décidé de ne pas s’enfermer dans une profession institutionnalisée. Après un détour par Compaq à Dübendorf, il saisit l’opportunité de s’engager dans la distribution de biens de luxe en Australie.

Depuis six ans maintenant, il dirige sa propre marque, dont nous avons bien compris qu’il ne s’agit pas d’une marque de montres. Pour le démontrer plus avant encore, il s’apprête à allumer le turbo d’un nouveau business. En plus des bracelets, qu’il développe déjà, Daniel Niederer se lance dans les lunettes de soleil. Le démarrage se fera à Zurich et Hong Kong, également en ligne, avec les trois premiers modèles. L’étape suivante sera le streetware – hoodies, t-shirts et compagnie. Là encore, l’entrepreneur restera fidèle à son leitmotiv trois-pièces: «Industrial Essence, Industrial Revolution, Industrial Engines».

Mais après tout que fait Sevenfriday en Suisse? La marque y est aussi représentée, à Zurich, Lucerne,Berne, Interlaken, Lausanne, Vevey et Genève. Cependant, comme le note Daniel Niederer, la clientèle locale reste timorée côté carte de crédit: 90% des clients sont des touristes. |


 

N°30
Août 2018

 
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SOMMAIRE:
Le silicium libre | Pas d’horloger à Berne | Gabarisation | Horolovia Chemicals | Swatch Group Baselxit | Mondaine & Luminox | Frodsham | Peter Speake-Marin & Stoic | Hermès | MB&F & Certified pre-owned | Ochs & Junior | Dubois & Fils | Interview François-Henri Bennahmias, Audemars Piguet | Breguet & les pare-chocs | Urwerk : UR-110 RG | Sevenfriday | Emmanuel Bouchet…