BOLIDO | Swiss made renforcé et accessible? C’est possible!

La première marque moyen de gamme née de la nouvelle ordonnance suisse


Après deux campagnes Kickstarter réussies et une troisième en cogitation avec un modèle chronographe, le zurichois Bolido commence à baliser la suite: devenir une petite marque pérenne. Avec une organisation interne minimaliste, mais un réseau complet de partenaires, fabricants en blanc et détaillants. Avec un positionnement prix adapté à la concurrence asiatique actuelle. Et 100% Swiss made.

Etienne Marchand

Tout a commencé en janvier 2017 avec la rencontre de l’entrepreneur Pierre Nobs, âme de feu les montres Ventura, et du designer Simon Husslein. Et c’est parce que les nouvelles règles du Swiss made le taraudaient que Pierre Nobs a décidé de sortir de sa retraite.

Une question le turlupinait: «Peut-on encore fabriquer une montre à un prix raisonnable en Suisse, sachant que la plupart des marques locales tentent de s’imposer sur les segments de prix supérieurs alors que la concurrence asiatique gagne du terrain de manière agressive auprès d’une clientèle qui n’a plus besoin d’être rassurée par une marque et pour qui la montre n’est qu’un accessoire, territoire du design cool et des prix bas? Deux réponses se sont imposées. La première: «Faire comme d’habitude, se débrouiller»… gardant en tête qu’un règlement sans contrôle ne pèse pas lourd. La seconde: «Tout le problème tient dans la réalisation de la boîte.» L’usinage traditionnel, avec étampage et fraisage, nécessite de l’investissement. La solution est écartée. L’ingénieur en mécanique se souvint alors du bon vieux décolletage: l’art d’usiner le métal avec un tour, un domaine où la Suisse a toujours été concurrentielle.

Soit. Mais qui dit décolletage dit géométrie élémentaire: «Comment donner un élément d’intérêt à un objet simplement tourné?» Pierre Nobs s’adresse à Simon Husslein, jeune designer zurichois avec qui il a déjà travaillé au temps de Ventura. Simon Husslein trouve tout de suite le bon geste: une boîte monobloc (une seule pièce, sans lunette, sans fond, sans cornes rapportées) usinée sur deux axes, l'un pour la face de la boîte, l'autre légèrement décalé pour le dos, juste de quoi sortir de la logique du tube. Le résultat est une boîte asymétrique, plus haute à 12 heures qu’à 6 heures, non sans rappeler les Bullheads des années 1970, avec couronne à 12 heures. Le cadran s’impose vite, simple, archétypal. Le mouvement est automatique, un STP, filiale tessinoise de Fossil. «Le produit était né.» Que faire ensuite? Vendre l’idée? «Non, tout faire nous-mêmes.» Investir toutes les économies personnelles? «Non, financement participatif.»

Juin 2017, le duo lance une première campagne Kickstarter. Un succès: le montant visé est obtenu en moins d’une heure. 287 montres vendues dans 37 pays. Un Red Dot Award. Bon départ, mais pas assez pour réaliser complètement l’essai. Juin 2018, seconde campagne Kickstarter. Même design, mais de nouveaux cadrans, une version mouvement squelette et des boîtiers noirs PVD. Seconde réussite avec 211 montres vendues. Les premiers points de vente réguliers sont ouverts à Zurich et environs. Le shop en ligne fonctionne aussi. A ce jour, près de 2000 pièces ont été écoulées. «Nous recevons des commandes tous les jours, petit à petit, l’expérience devient économiquement positive.» 

La vraie question se pose maintenant: Bolido deviendra-t-elle une marque à part entière? La balle est dans le camp de Pierre Nobs, il a «l’expérience et le sens de l’engagement industriel à long terme». L’entrepreneur a déjà balisé cette nouvelle étape, avec le réseau complet de fournisseurs et la volonté de réactiver un réseau de distribution, ce qu’il est en train de faire – essentiellement des détaillants joaillerie et horlogerie indépendants. Tout en restant le plus léger possible. Il n’y a aujourd’hui qu’un collaborateur à l’interne, à l’administration, les autres fonctions sont externalisées. A charge de Pierre Nobs et Simon Husslein de tenir la représentation et l’animation. Une nouvelle création est en cogitation, la pièce de résistance selon Pierre Nobs: le chronographe, très probablement à quartz – il ne faut sortir ni du segment prix, moins de 700 francs, ni du format de la boîte – et très probablement Ronda, puisqu’il faut rester suisse.  |


 

N°35
Janvier-Fév. 2019

 
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SOMMAIRE | 35
Sauvons le Swiss made | Crise des inventaires | Rolex et le Japon | Interview François-Paul Journe | Audemars Piguet : Code 11.59 | Calvin Klein | Oris | Interview Geoffroy Lefevre, Baume & Mercier | Werenbach | Bolido | Parmigiani | Tourbillon | Agenhor : Agengraph | Interview Jean-Marc Pontroué, Panerai…