ROLEX | Le Sonderfall

L’écart qui ne sera jamais rattrapé


Hans Wilsdorf a fixé très tôt à peu près tout ce qui fait la valeur de l’horlogerie suisse actuelle. Jusqu’à la boîte octogonale si recherchée aujourd’hui.

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Et si Rolex avait inventé le modèle d'affaires anticyclique parfait? Seul le conseil de fondation a la réponse, mais jusqu'à preuve du contraire aucun indicateur ne dément le succès permanent de Rolex. La marque passe même pour l'exemple parfait, le cas d'école ultime, de la résistance aux crises. A l'exemple du salon de Bâle, où Rolex fait maintenant office de pilier central sur lequel repose tout le chapiteau. Paradoxal alors que Rolex est sans aucun doute la maison qui a le moins besoin de tenir salon.

Le Sonderfall Rolex ne date pas d'hier. Il suffit de se pencher sur la dernière grande crise, dite du quartz, pour comprendre le rôle central que la marque a tenu pendant la débâcle. Les statistiques d'exportations sont parlantes (à retrouver sur la carte de notre numéro spécial d'octobre 2018): les volumes s'effondrent, mais la valeur se maintient et poursuit une légère ascension. Les chiffres ne sont pas détaillés, mais il est évident que Rolex faisait partie des très rares fabricants à tenir la rampe pendant cette tempête majeure qui a vu sombrer à peu près tous ses grands concurrents. Rolex avait été l'une des seules maisons à ne jamais céder aux sirènes des grands volumes, par exemple – même au plus haut de la conjoncture au milieu des années 2000, la production n'a pas dépassé les 800'000 unités.

Rolex n'a d'ailleurs jamais écouté aucune sirène, ni suivi aucune tendance. L'évolution démontre même l'inverse: Rolex est la locomotive à laquelle tous les autres tentent de se rattacher. Il est impossible de recenser toutes les copies qui circulent dans le monde, et il n'est pas seulement question de contrefaçons, mais également de toutes les montres «Frankenstein», qui empruntent des signes distinctifs de la marque à la couronne. La gestion des collections elle-même est en plagiat permanent, comme si Rolex avait trouvé la stratégie ultime et définitive qui mène au succès. Le catalogue Rolex ressemble à une succession de monoproduits, des marques dans la marque: Daytona, Submariner, Explorer, Milgauss, etc. Sans cesse réactualisé, détail par détail, millimètre par millimètre, et il suffit d'une lunette céramique pour créer l'événement.

Une ligne claire que beaucoup tentent de recopier sans y parvenir. C'est que les premiers coups de crayon remontent loin et ils étaient justes, dès le départ. C'est toute l'intuition de Hans Wilsdorf, qui a senti en précurseur tout ce que deviendrait l'industrie du luxe un siècle plus tard. Il a compris l'importance de créer dès le départ une marque à caractère universel: un nom court, deux syllabes, compréhensible dans toutes les langues et porteur d'une sémantique liée à l'excellence. Il a compris très tôt l'importance de concentrer la communication sur le produit et d'en incarner les performances avec des ambassadeurs – la première fut d'ailleurs une ambassadrice et Rolex est toujours restée l'une des marques phares de la montre pour dames. Hans Wilsdorf a également fait partie des premiers à se concentrer sur la montre-bracelet et à partir de là à imposer le rythme à l'industrie, obligeant la concurrence à le talonner avec un temps de retard. La montre étanche avec couronne et fond vissé, le mouvement à remontage automatique: Rolex a toujours été en première ligne. |


 

N°36
Mars-Avril 2019

 
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SOMMAIRE | 36
Albert Keck † | Pierre-Yves Donzé : Citychamp | Vis de forme | Sonderfall Rolex | Vulcain & Anonimo | Louis Erard & Eric Giroud | Gérald Genta | Cartier | Rolf Portmann, Oris | Riskers | Baselworld : incubateur | 1999 : LVMH rachète Tag Heuer | Louis Vuitton : répétitions minutes | Beat Haldimann | Chronoswiss | Casio : G-Shock | Timeforge | Interview Julien Tornare, Zenith | IWC, histoire vraie | Swatch | Montres à paiement | Ikepod & Kickstarter | Utinam, Besançon | Interview Vijesh Rajan, Favre-Leuba…


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